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Foudroie-moi
11 janvier 2015

Chapitre 2 (Je suis parti)

Chapitre 2

 

Je fus réveillé par la sonnerie stridente de mon téléphone. Je l’attrapai vivement, et découvris qui m’appelait : Maman. L’appréhension me crispa les jambes.

« Allô ? répondis-je.

-          Reviens immédiatement, grogna-t-elle d’emblée.

-          Je ne peux pas maman…

-          Et qu’est-ce qui t’en empêche ? Reviens.

-          Je n’en pouvais plus…il fallait…il fallait que…bégayais-je. Il fallait que je prenne l’air.

-          Où es-tu ?

-          Chez grand-mère.

Un cri de stupeur transperce le téléphone.

-          Pourquoi là-bas ? s’écrie-t-elle avec hargne. Tu aurais pu aller n’importe où, mais il a fallut que tu ailles chez ma mère ? Richa !

-          J’aime bien ici. C’est calme.

-          A la maison aussi, tu peux être tranquille.

-          Pas souvent.

Un silence confus se glisse soudain entre nous.

-          Richa, esquissa-t-elle en un douloureux murmure, tu sais que tout ce que je fais c’est pour vous ?

-          Je sais, répondis-je sèchement.

-          Reviens à la maison, Richa. Tu manques à Eva…

-          Je reviendrai, ne t’inquiète pas. Je ne m’évanouis pas dans la nature. Vous me verrez la semaine prochaine.

-          Richa, râla-t-elle avec sévérité.

-          Je suis majeur, maman !

Une brusque inspiration se fit entendre à l’autre bout du fil. Je fermai les yeux pour contenir la contrariété qui me gagnait.

-          Dit à Eva que je l’embrasse, et à la semaine prochaine, lui dis-je avant de raccrocher. »

Je balance le téléphone sur le côté du lit, et enfonce ma tête dans l’oreiller. J’aurais voulu que tout soit moins compliqué.

Un toc toc contre la porte me surprend. Je me redresse, tandis que la porte s’entrouvre. La tête joyeuse de ma grand-mère apparaît. Des brins de ces cheveux pendent devant ses yeux, cela la rajeunit.

«  Tu as bien dormi ? s’enquit-elle.

J’acquiesce.

-          Le petit-déjeuner est servi. Ne tarde pas trop avant qu’il ne refroidisse.

-          D’accord. »

Elle ferma la porte, et sentant mon estomac avide de nourriture, je m’habillai prestement avant de rejoindre la petite cuisine. Les placards étaient en bois sombre, au-dessus de plans de travail où étaient posés de multiples ustensiles. Une table minuscule trônait au centre de la pièce, comme délaissée. Le réfrigérateur par contre était couvert d’une vingtaine de post-It avec diverses inscriptions. Quand j’entrai, l’odeur des œufs venant d’être fais me chatouilla les narines. Je ne crois pas avoir autant désiré d’œuf de ma vie !

Tout à coup, je prends conscience que la silhouette qui se tient devant l’évier et frotte avec du savon des assiettes est bien trop haute et découpée pour être celle de ma grand-mère. C’était une femme portant un jean bleu clair et une chemise à carreaux aux manches retroussées. Je ne voyais que son dos, qui était en partie caché derrière un rideau de cheveux blonds. Le soleil qui entrait par la fenêtre en face de l’évier se déversait sur elle, et illuminait sa chevelure.

« Richa, je te présente Gaëlle, dit ma grand-mère qui était soudain apparu à mes côtés.

Ladite Gaëlle fit volte-face, les mains trempées de savon. Elle posa sur moi un regard bleu surpris. Ses lèvres roses s’entrouvrirent lorsqu’elle inspira, et que ses joues se teintèrent de rouge.

-          Gaëlle est notre voisine, elle vient souvent ici pour nous aider, ajouta grand-mère. Gaëlle est un ange tombé du ciel !

-          Vous exagérez Francine ! rétorqua-t-elle d’une voix fluette.

-          Oh non, je n’exagère rien ! Tu nous aide tant ! puis se tournant vers moi, elle précise : Gaëlle, voici Richa mon petit-fils. Enfin…c’est un homme dorénavant, alors je devrais dire mon petit-homme.

Elles rirent, et je ne pus me contenter que de sourire.

-          Je suis ravie de te rencontrer Richa, me dit Gaëlle.

-          C’est réciproque, lui répliquai-je.

Elle me sourit avant de retourner à son lavage. Grand-mère me tendit une assiette pleine d’œufs et m’ordonna de les manger. Je m’assis à la petite table, en faisant attention à ne pas trop appuyer dessus, car elle penchait quelque peu sur le côté. Grand-mère s’éclipsa en emportant un balaie.

-          Alors, commença Gaëlle en se tournant à demi vers moi, tandis qu’elle frottait une assiette, tu es venu rendre visite à tes grands-parents ?

J’engloutis la bouchée d’œufs que j’avais dans la bouche avant de lui répondre.

-          Plus ou moins.

J’étais surtout venu pour m’éloigner de ma mère, et de notre maison où l’air devenait irrespirable.

-          Tu es déjà venu ici auparavant ?

-          Il y a très longtemps, lui dis-je.

-          Hum…si tu veux…je te faire visiter le coin. Si tu veux.

Elle semblait embarrassée.

-          J’accepte, lui répondis-je en finissant mon assiette.

-          Aujourd’hui ? proposa-t-elle.

Je ne pensais pas qu’elle accepterait sitôt, mais…de toute façon, je n’ai rien à faire de précis, à part profiter du fait que je sois loin de chez moi.

J’acceptai de nouveau, et me rendis à l’évier pour laver mon assiette. Cependant elle me la prit des mains, et m’intima avec douceur de m’éloigner.

blonde

_  _  _

L’après-midi s’écoula rapidement. Gaëlle m’emmena à tous les lieux qu’elle désignait comme « fréquentables ». J’ai alors découvert un minuscule musée dont les épaisses vitrines protégeaient des « pierres rares ». A mon avis, ce n’était pas plus que des cailloux. Gaëlle rit lorsque je lui fis part de ma réflexion. Elle est sympathique, simple et douce. J’aime beaucoup voir ses cheveux s’envoler sous l’effet d’un coup de vent. Ils sont d’un blond doré qui me fascine. Ils brillent sous le soleil…

Bref.

Elle m’a fait découvrir l’hôtel de ville, joli bâtiment en bois blanc, le parc, où il fait bon de s’y assoir, les deux supérettes de la ville, qui situées l’une à côté de l’autre cherchaient sans cesse à se faire concurrence. Elle m’a présenté au marchant de tapis, à la bijoutière aux lèvres pincées et à l’air arrogant, ainsi qu’à la vieille bibliothécaire, qui régnait l’étonnante bibliothèque de la ville. La pauvre femme était âgée et étourdie.

Nous nous sommes rendus à tous ces lieux par le plus vieux moyen au monde : à pied. Maintenant qu’une persistante brûlure enflammait mes talons, je regrettais de n’avoir pas pris ma voiture. Je soupirai intérieurement.

Gaëlle se tourna vers moi, tout sourire :

-          Ça va ? s’enquit-elle.

-          Bien sûr.

Je me garderais bien de me plaindre de mes pieds.

-          Il y a un dernier endroit où je voudrais t’emmener, me dit-elle avec enthousiasme. Il se trouve aux portes de la ville. Tu verras, il est magnifique !

Elle m’attrapa le bras et m’entraîna à sa suite. Je serrai les dents durant tout le trajet ; mes pieds être en train de se réduire en cendres. Après une longue marche, nous arrivâmes aux portes quasi inexistantes de la ville.

-          Ah voilà ! C’est là-bas ! dit-elle en pointant devant-elle.

Je ne voyais pas de quoi elle parlait.

-          Où ça ?

-          Viens il se trouve derrière ses arbres, m’indiqua-t-elle en incitant à entrer dans une forêt assez sombre.

Nos pieds s’enfoncèrent dans la terre fraîche tandis que nous pénétrions dans cette masse végétale. Nous écartâmes les branches et feuilles qui se dressaient sur notre chemin. Les bruissements résonnaient à travers la forêt, avant que nous parvienne des voix…

-          C’est là, viens ! Tu va voir c’est…elle s’interrompit soudain.

Devant nous s’étendant un espace de verdure, qu’on aurait pu décrire comme « magnifique »…s’il n’y avait eu une dizaine d’individus vêtus de noir occupant les lieux avec des motos énormes au milieu d’eux. Ils se parlaient bruyamment, et avaient pour la majorité des bouteilles vertes de bières dans leurs mains. Certains arboraient des tatouages, d’autres des piercings, cependant même ceux qui ne portaient pas tout cela semblaient également menaçants. Un léger froid se répandit en moi. Lorsque je jetai un coup d’œil à Gaëlle, il semblait évident qu’elle aussi avait eu ce froid.

-          Il vaut mieux qu’on y aille, je t’amènerai ici une autre…fit-elle en se reculant.

Mais alors que je m’apprêtais à la suivre sans demander de plus amples explications, mes yeux furent attirés par un éclat rouge. Je reportai mon attention vers le groupe de motards. Cette lueur rouge provenait de cheveux. Des cheveux longs, très longs et roux. Cette amas de serpentins rouges me rappela la femme horriblement curieuse avec laquelle j’avais discuté hier soir. Le jour déclinait et les rayons rougis du soleil fatigué pénétraient avec joie sa crinière. Je ne voyais une nouvelle fois que des cheveux. Pas de visage. Un dos et des cheveux.

-          Tu viens, Richa ? m’appela Gaëlle.

Malgré le fait qu’elle ne se soit pas exprimé d’une voix forte, ses paroles résonnèrent à travers les arbres et allèrent butter contre la montagne derrière le groupe. L’instant d’après, je vis les cheveux roux s’agiter de gauche à droite, comme si leur propriétaire cherchait quelque chose autour d’elle. Elle se retourna. Son visage enfin.

Sa face encadrée par ses boucles était…était…

-          Richa ? insista Gaëlle dans mon dos.

Je poursuivis néanmoins mon examen de ce visage si atypique, si…elle était…elle avait…

Tout à coup, son regard se porta dans notre direction. J’étais encore en train de la scruter, et nos yeux s’accrochèrent.

Elle était plus jeune que je ne me l’étais imaginé au son de sa voix. A vue de nez, elle n’était pas plus âgée que moi. Mais elle était…

Je déglutis avec difficulté.

Soudain, je pris conscience que la rousse s’avançait vers nous. Vers moi, qu’elle ne quittait pas du regard. Elle avait l’air autant capté par mes yeux que je l’étais par les siens. D’une démarche souple, assez féline, elle s’approchait de plus en plus. Gaëlle qui l’eut remarqué tenta de me tirer par le bras, mais je restai figé sur place, obnubilé. Lorsque la rousse fut à deux mètres de moi, elle esquissa un sourire aguicheur.

-          Te revoilà ! me dit-elle avec bonne humeur. Je n’espérais pas te revoir sitôt.

Gaëlle à mon côté se tendit à ses mots. Elle fit la navette entre moi et la rousse avec suspicion. Tout à coup, la rousse se détacha de mon regard et avisa Gaëlle. Sa mine réjouie s’estompa dans la seconde. Sous sa peau d’albâtre, sa mâchoire se contracta.

-          Tu es accompagné à ce que je vois. Accompagné par l’Ange de la ville, remarqua-t-elle, avec du sarcasme dans la voix.

-          Richa, me parla Gaëlle, partons.

-          Déjà ? s’écria la rousse. Vous venez à peine d’arriver ! Restez. Ou l’Ange peut partir mais Richa reste avec nous.

Gaëlle lui jeta un regard froid, auquel la rousse répondit par un large sourire faussement aimable. Il y avait de la tension  entre elles. D’un regard, Gaëlle me demanda de se retirer avec elle. D’un côté, je ne voulais pas la mettre dans l’embarras en refusant, mais de l’autre, j’avais envie de rester. Pourquoi ? J’étais piqué de curiosité comme la rousse, l’autre nuit. Alors que je m’apprêtais à accepter sa proposition, une voix retentit : « Ciloane ! s’écria-t-elle. Bébé, qu’est-ce que tu fous ? ». La rousse se raidit.

Derrière elle, un homme musclé à la peau ténébreuse se dirigeait vers nous. Tandis qu’il approchait, je remarquai qu’il avait le crâne rasé, les bras tatoués et l’œil farouche. Il glissa son bras sur les épaules de Ciloane, qui ne moufta pas.

-          On a de la visite, bébé ? Qui sont ceux-là ? grogna-t-il en nous jaugeant.

Il me dévisagea avec indifférence, contrairement à la façon dont il scruta Gaëlle. Son air appréciateur descendant sur elle, était écœurant. On pouvait avec aisance deviner ses pensées perverses.

-          Ce sont Richa et Gaëlle, nous présenta la rousse.

Gaëlle et elle se connaissent donc. Qu’a-t-il bien pu se passer pour qu’elles ne s’entendent pas ? Gaëlle ne semble pas du genre à chercher querelle, tandis que la rousse…

-          Vous restez avec nous ? demanda l’homme.

Il ne s’adressait pas à moi. Gaëlle occupait toute son attention.

-          Nous allons bien nous amusez, argumenta-t-il avec un sourire qui n’augurait rien de bon.

-          Désolé, mais nous nous apprêtions à partir, m’empressai-je de dire.

Gaëlle approuva mes dires d’un hochement de tête. L’homme fit mine d’être déçu, mais Ciloane parût réellement désappointée durant l’espace de quelques secondes.

-          Dommage, soupira-t-il. Ce sera pour une prochaine fois. Allez, bébé, on y retourne.

Se tournant vers la rousse, il se pencha sur elle, et…l’embrassa. Ses lèvres capturèrent avec voracité la bouche de la rousse. Elle ne le repoussa pas, se contentant de le laisser faire. Après cette gênante démonstration d’affection publique, il s’éloigna et l’entraîna à sa suite.

L’instant d’après, ce fût au tour de Gaëlle de me traîner après elle. Elle agrippait mon bras et m’obligeait à marcher vite, comme si elle redoutait que le groupe de motard se lance à notre poursuite. Sa cadence était si rapide que j’évitai de justesse une racine vicieuse.

Ce n’est qu’après être parvenu au milieu des rues encore animées de la ville que Gaëlle se détendit. Elle me relâcha le bras, et je pris conscience qu’elle l’avait serré assez fort.

-          Tu connais Ciloane ? s’étonna-t-elle. Je croyais que tu venais d’arriver en ville ?

-          Je l’ai rencontré seulement hier soir. Pourquoi êtes-vous si froide l’une avec l’autre ?

-          Je ne l’apprécie pas. Elle ne m’apprécie pas, me répondit-elle en haussant les épaules.

Elle n’avait pas envie de me raconter les raisons apparemment.

-          C’était qui tout ces gens ?

-          Les vautours de la ville, siffla-t-elle. Des motards, des tatoués, des percés, des drogués, des ivrognes, des débauchés.

Elle semblait énervée, ses sourcils se fronçaient au-dessus de ses yeux, son débit était rapide.

-          D’habitude, ils ne se regroupent pas là-bas, m’informa-t-elle. Mais il a fallut qu’aujourd’hui ils viennent camper à l’endroit le plus magnifique que je connaisse. A tous les coups, ils vont tout saccager sur leur passage. Ce sont des rustres aussi, j’ai failli oublier !

-          Waouh ! Tu les portes dans ton cœur ! ironisai-je.

-          Ce ne sont pas des personnes à fréquenter. Je ne te conseille pas de t’approcher d’eux. Surtout pas de Ciloane.

-          Pourquoi ?

-          Comme du miel appelle une mouche, elle attire les problèmes. Que ce soit sur elle, ou ceux qui l’entoure.

 

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